Il était une fois, en 2016, un petit village gaulois – pardon, wallon – qui s’est dressé courageusement contre l’invasion d’un vaste empire. Pas de potion magique ici, mais un accord commercial transatlantique, le fameux CETA, entre l’Union européenne et le Canada. L’un des plus gros deals économiques des dernières décennies, paraît-il. Mais voilà, ce géant de papier a trouvé sur son chemin un adversaire redoutable : Paul Magnette, le ministre-président wallon, avec son bouclier en carton de la « démocratie régionale ». On le voyait déjà en Obélix des temps modernes, défendant vaillamment ses petits champs d’agriculteurs contre les hordes canadiennes.
Le héros dont on ne savait pas qu’on avait besoin
Tout a commencé en octobre 2016, quand Magnette, vêtu de son plus beau costume de super-héros politique, a décidé de bloquer le CETA. Il a jugé que cet accord risquait de noyer nos agriculteurs sous des tonnes de bœuf canadien bourré de stéroïdes (ou presque). « Pas question de céder à la mondialisation sauvage! » qu’il s’écrie, tel un chevalier des temps modernes. Sauf qu’au lieu de brandir une épée, il brandit… un document de 1600 pages rempli de clauses incompréhensibles sur le commerce international. Pas très glamour, mais efficace.
On se souvient surtout de ce moment surréaliste où Chrystia Freeland, la ministre canadienne du Commerce international, est sortie des négociations avec les yeux embués de larmes. “La Belgique, et en particulier la Wallonie, n’est pas en mesure de signer l’accord,” disait-elle, la voix tremblante. Les caméras du monde entier ont capté cette scène digne des plus grandes tragédies grecques. Sauf que, spoiler alert : on apprendra plus tard que ses larmes n’étaient pas exactement le fruit d’une profonde déception diplomatique, mais plutôt d’un joli coup de com’. Freeland avouera quelques années plus tard que ces larmes étaient un poil forcées pour marquer les esprits. Qui a dit que la politique manquait de théâtre?
Et après? Un village toujours debout?
Ah, la grande question! Après avoir fait vibrer les couloirs de Bruxelles et Ottawa, Paul Magnette et la Wallonie ont effectivement obtenu quelques ajustements dans l’accord, du genre : “promis, on vous laissera vendre vos fromages au Canada, et on essaiera de ne pas trop bousculer vos petites exploitations.” La signature a finalement eu lieu, et tout le monde est rentré chez soi. Magnette est acclamé comme le sauveur des petits producteurs, l’ennemi numéro un des multinationales. Mais au fond, qu’est-ce qui a vraiment changé?
Spoiler (encore un) : pas grand-chose. Oui, la Wallonie a fait trembler l’Europe pendant quelques jours, oui, elle a tenu tête au reste du continent. Mais huit ans plus tard, le CETA est en place… en partie. L’accord n’est toujours pas complètement ratifié, et les fameuses craintes sur l’invasion de bœuf canadien? Eh bien, elles ne se sont pas vraiment concrétisées. En fait, les exportations entre l’Europe et le Canada n’ont même augmenté que de… 0,7% entre 2017 et 2022. Pas exactement l’apocalypse économique qu’on nous avait annoncée.
Du show politique à la réalité : un bilan en demi-teinte
Alors, tout ça pour quoi? Certes, Magnette a renforcé sa stature politique. Après tout, il est maintenant à la tête du Parti socialiste belge et il est considéré comme une voix majeure de la gauche européenne. Mais les agriculteurs wallons, eux, n’ont pas vu leur quotidien révolutionné. Ce qui semblait être un bras de fer épique contre la mondialisation s’est révélé être… eh bien, un petit coup de poing mou dans l’eau. Même si la Wallonie a bien résisté, le fameux « David contre Goliath » s’est vite essoufflé.
Conclusion : On repart pour un tour?
En fin de compte, cet épisode nous rappelle que, parfois, la politique ressemble à un grand théâtre où tout le monde joue son rôle à merveille. Paul Magnette, lui, a joué à la perfection la carte du défenseur des petits contre les grands. Les larmes de Freeland? Un joli effet spécial. Et nous, spectateurs, avons assisté à ce spectacle fascinant… avant de réaliser que tout cela n’était qu’une performance bien orchestrée.
Aujourd’hui, le CETA continue sa route discrètement, sans soulever beaucoup de vagues. Les champs wallons sont toujours debout, les fromages coulent toujours à flots, et les bœufs canadiens n’ont pas envahi nos étables. Bref, un bon coup de com’ politique, certes. Mais au final, tout ça pour quoi? Surtout pour les caméras, à ce qu’il paraît.
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